Ce poème fascinant et calciné (car il s’agit bien d’un seul poème en quarante neuf fragments) est semblable au désert. Nu, austère, et pourtant d’une étrange volupté dans le glissement de ses dunes. Et la verticale du soleil a la force aspirante de l’Absolu. Ainsi Noces de Sable évoque, plutôt que les lettres sublimes d’Héloïse ou les chants de Louise Labbé, la grande poésie des soufistes musulmans à la fois charnelle et mystique. L’âme (est-ce l’âme ? on ne sait, Dieu le sait) est comme arrachée du corps par la violence de sa passion, et tend vers l’Innommé à travers l’amant qui la brûle. Il s’agit bien d’un amant de chair, mais absent; pour toujours en fuite et absent. Et le désir de l’amante semble lui-même à chaque instant s’échapper, se dépasser à l’intérieur de l’incendie qui le consume. L’amour fou de l’Autre ouvre la brèche, la déchirure irréparable où s’engouffre une haleine au goût de soleil et de mort. Eblouissement. Aveuglement. Cendres. D’où l’âme et le corps peuvent peut-être renaître, sans jamais oublier.

Jean Mambrino